Pourquoi est-ce si dur de parler hongrois ?

Pourquoi est-ce si dur de parler hongrois ?

Peu de langues ont aussi mauvaise réputation que le hongrois. Et pour être franc, c’est n’est pas injustifié. Classé invariablement dans le top 5 des langues les plus difficiles à apprendre de la planète, le hongrois cumule en effet un nombre incalculable de difficultés. Vocabulaire, grammaire, étymologie, prononciation, syntaxe… rien n’y échappe.

Une langue unique au monde

Le grand problème du hongrois, ou magyar (du nom du groupe ethnique qui a migré vers le bassin des Carpates au 9e siècle), c’est de ne ressembler à aucune autre langue. Et surtout pas aux langues indo-européennes comme le français, l’anglais ou l’italien.

Seule langue d’Europe ne venant pas d’Europe, le hongrois est né dans les régions de l’Oural, entre la Russie européenne et la Sibérie. Il est cependant si singulier que même au sein de la grande famille des langues finno-ougriennes auquel il appartient (le finnois, l’estonien, le khanty…), il n’existe aucun équivalent.

Chaque mot, chaque phrase, chaque tournure, doit être mémorisée à partir de zéro.

Par exemple, quoi de commun pour nous entre dire « bonjour » et dire « jó napot » ? Dire « chaussettes » et dire « bakancszokni » ? Dire « Tout ce qui brille n’est pas or » et dire « Nem mind arany, ami fénylik » ?

Un vocabulaire mouvant

Devoir ingurgiter d’interminables listes de mots n’est cependant que le cadet de vos soucis… lesdits mots ne s’écrivant en sus jamais de la même manière !

Langue agglutinante, le hongrois utilise des affixes pour exprimer les rapports grammaticaux au sein d’une phrase.

Ainsi des suffixes et des préfixes interviennent pour changer le sens des mots, mais aussi pour indiquer le temps, la direction, l’état, l’intensité, etc. Un même mot peut donc prendre une forme très différente (et s’allonger substantiellement) en fonction du contexte.

Par exemple, « maison » (« ház ») peut tour à tout signifier « petite maison » (« házikó »), « dans la maison » (« házban »), « vers la maison » (« házhoz ») ou encore « de la maison » (« házból »).

Des phrases sans queue ni tête

Là où en français, l’ordre des mots suit la structure classique sujet-verbe-complément, en hongrois, l’ordre des mots est beaucoup plus flexible. Un sujet peut se retrouver n’importe où dans une phrase, et même être omis si son rôle est déjà indiqué par la conjugaison ou les suffixes.

Dire « Je suis allé au supermarché hier » peut par exemple se dire « Tegnap elmentem a boltba », « Elmentem tegnap a boltba », « Tegnap a boltba mentem », « Boltba mentem tegnap »

N’allez toutefois pas croire que cette liberté facilite l’apprentissage, bien au contraire. La confusion s’ajoute ici à de la confusion : pour saisir le sens d’une phrase tout est affaire de contexte. Tandis que pour ne rien gâcher, le hongrois n’a rien à envier à l’allemand en matière de phrases à rallonge…

Le micmac de la prononciation

Passés les toujours déconcertants « cs », « ü », « dzs » et autre « ő » qui composent l’alphabet, une autre difficulté pointe son nez : la phonétique.

D’une part, certains sons, comme les voyelles longues ou les consonnes doubles, inexistants dans nos contrées, sont particulièrement complexes à reproduire. Et de l’autre, plus délicat encore, l’intonation joue un rôle fondamental : une même phrase prononcée différemment peut ne pas avoir le même sens !

Bon après, rassurez-vous, tradition francophile oblige (vous pouvez tomber sur une rue Balzac ou une rue Victor Hugo à Budapest), un zeste d’accent vous vaudra surtout curiosité et bienveillance de la part des locaux.

Parler hongrois, mission impossible ?

Pour qui voudrait s’astreindre aux 600 heures de pratique active nécessaires (!) pour atteindre un niveau intermédiaire en hongrois, sachez qu’il existe çà et là quelques lueurs d’espoir – la conjugaison des verbes ne s’encombre pas d’innombrables d’exceptions, les mots se prononcent comme ils s’écrivent, le genre n’existe pas…

Mais plutôt que de voir le verre à moitié vide, si vous vous lancez dans l’apprentissage du hongrois, peut-être vaut-il mieux vous concentrer, non pas sur la destination, mais sur la beauté du chemin à parcourir.

Apprendre le hongrois, c’est se plonger dans une culture à la richesse insoupçonnée. C’est découvrir une histoire et ses traditions. C’est découvrir une poésie, une musique, une littérature, un cinéma.

Apprendre le hongrois, c’est s’ouvrir à un pays qui a tellement à vous offrir en retour.

Bref, largement de quoi récompenser vos efforts.

« Sok szerencsét ! »